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Jeudi 6 octobre, 1h30

 

 

Elle se nommait Alev Rahrooh. Habituellement, il préférait les filles blanches, mais il avait été attiré par les longs cheveux noirs et soyeux de cette jeune Indienne. Fasciné, même... Cette chevelure serait sans conteste l'un des joyaux de sa collection.

La pendule de bord affichait 1h30. Elle allait arriver d'un instant à l'autre. Il augmenta le chauffage de sa voiture. Il commençait à faire froid. Il détestait la précocité des hivers dans la région.

Il regarda de l'autre côté de la rue vers l'enseigne dorée qui brillait dans la nuit. Comme il s'y était attendu, Thatcher et ses hommes n'avaient rien trouvé derrière le McDonald's. Normal. Il s'était montré très prudent. Il était trop malin pour ces flics...

Et à présent, il se tenait à moins de trente mètres de l'endroit où il avait enlevé la jolie Samantha. Si Thatcher l'apprenait, il s'en arracherait les cheveux...

Il vit une ombre approcher et son pouls s'accéléra.

La voilà ! Viens, ma belle... Viens...

Alev était à pied. Pas de vélo. Tant mieux. Il n'aurait pas à se débarrasser de la bicyclette. Il se lissa les cheveux et releva son col, puis il se pencha pour ouvrir la portière du passager.

— Salut, dit-il. Monte...

Elle s'installa à côté de lui et referma la portière.

— Je ne peux pas rester longtemps, annonça-t-elle timidement.

Elles commencent toutes par dire ça. Mais si, ma belle, mais si, tu vas rester longtemps.

— Il ne faut surtout pas que mes parents se rendent compte que je suis partie.

Ils s'en rendront compte, et plus vite que tune le crois...

Il ne laissa rien transparaître de sa gaieté et demeura silencieux. Il attendait sans prononcer un mot le moment où elle se rendrait compte de la situation. C'était l'un des meilleurs moments, l'un des plus savoureux : celui où elles se rendaient compte de leur erreur. Car à ce moment-là, il était déjà trop tard.

Allez, Alev... regarde-moi...

Elle mit bien plus de temps que Samantha. Mais elle finit par se pencher d'un air inquiet vers lui.

— Mais..., fit-elle.

Bingo !

Ses yeux s'arrondirent, offrant un contraste saisissant entre le blanc laiteux de ses yeux et sa peau très brune.

— Tu n'es pas...

Elle tenta de résister. Elle lui griffa les joues mais elle ne pouvait pas se mesurer à lui. Il lui saisit le poignet d'une main et, de l'autre, lui appliqua sur le nez le masque chirurgical qu'il avait mis tant de soin à préparer.

Elle continua à se débattre, hochant frénétiquement la tête et tentant d'échapper au masque imprégné de kétamine. Il se contenta de presser plus fort, attendant patiemment qu'elle finisse par inspirer.

Dix, neuf, huit, sept, six...

Elle se ramollit, toute suffocante. Puis elle cessa complètement de bouger.

Il ôta le masque chirurgical de son nez et le plia méticuleusement pour empêcher que le reste de la poudre qu'elle avait inhalée ne se répande sur les sièges de sa voiture. Il ne fallait pas laisser de traces.

Puis il démarra et roula dans la nuit. L'étroit croissant de la lune nouvelle luisait dans le ciel. Aussi mince et frêle que la forme affaissée à côté de lui.

 

 

 

Jeudi 6 octobre, 5 h 45

 

— Ma femme nous a fait du pain aux noix. Et du café. Servez-vous...

Steven regarda le shérif Rogers qui venait de poser un gros sac en papier brun et une Thermos sur le capot de sa voiture et s'efforça de lui sourire. Il n'avait quasiment pas dormi de la nuit.

— Merci, shérif, dit-il. Ça sent très bon.

Rogers s'adossa à la voiture et se mit à scruter l'horizon où le soleil allait apparaître dans les prochaines minutes.

— Votre fils est bien rentré, hier soir ? demanda-t-il.

Steven se sentit rougir et s'empressa de remplir le gobelet en plastique fourni par la prévenante Mme Rogers.

— Oui, merci.

— J'ai un gamin du même âge, dit Rogers sans quitter l'horizon des yeux. Il est d'un chiant !

— Je sais ce que c'est, répliqua un peu sèchement Steven.

Il n'avait pas l'intention de confier au shérif ses soucis domestiques.

— Ma femme n'arrête pas de me dire que ça lui passera, poursuivit Rogers d'un ton dubitatif.

— Les femmes sont d'incorrigibles optimistes, répliqua Steven.

Rogers se tourna vers lui avec une petite grimace.

— Heureusement qu'elles font du bon pain aux noix ! ironisa-t-il.

Steven esquissa un sourire.

— Vous êtes marié depuis longtemps ? lui demanda-t-il.

— Ça fera vingt-cinq ans l'été prochain... Et vous ?

Steven avala une grosse gorgée de café qui lui brûla le gosier.

— Je ne suis pas marié.

Rogers haussa de gros sourcils étonnés.

— Mais alors, qui est la femme qui...

Il s'interrompit, détourna les yeux.

— Désolé, ça ne me regarde pas...

Il avait raison, mais Steven ne lui tint pas rigueur de sa curiosité.

— Il n'y a pas de mal, dit-il. Je ne sais pas moi-même ce quelle est pour moi...

Rogers mâcha pensivement un morceau de son pain aux noix.

— Elle avait l'air très sympa, finit-il par dire.

Steven but une autre gorgée en sachant cette fois qu'elle serait brûlante. Peut-être s'infligeait-il ainsi une sorte d'autopunition. Un peu comme Mike se punissait lui-même avec le cilice et le fouet.

— Oui, c'est vrai, approuva-t-il. Elle est vraiment sympa.

— Une femme sympa, aussi belle et élégante qu'elle, ça ne se rencontre pas tous les jours.

— Non, dit encore Steven, c'est même très rare.

Rogers se décolla de la voiture et épousseta les miettes qui parsemaient son large poitrail.

— Mes adjoints vont arriver d'un moment à l'autre. Je vais chercher les talkies-walkies.

— Merci, shérif, murmura Steven en levant les yeux vers le ciel encore sombre.

Un hélicoptère y surviendrait dès les premières lueurs de l'aube pour prendre des photos aériennes du secteur afin d'accélérer les recherches.

Il tenta de chasser de son esprit le visage inquiet de Jenna et son tailleur austère, mais il n'y parvint pas. Jenna Marshall habitait ses pensées et ne s'en laisserait pas facilement déloger.

Et son cœur, l'habitait-elle aussi ? Oui, elle en avait trouvé le chemin et s'y était insinuée, il était obligé de l'admettre. Quelle autre femme se serait souciée de lui au point d'intervenir auprès de Brad, après avoir été traitée avec une telle goujaterie ? Et pourtant, elle se souciait de lui.

Tout comme il se souciait d'elle.

 

 

 

Jeudi 6 octobre, 6 h 15

 

Neil se plia en quatre pour caser sa longue carcasse dans la minuscule Dodge Neon, se maudissant d'avoir loué un pot de yaourt aussi inconfortable et maudissant son impécuniosité, qui l'obligeait à faire des économies sur tout. Son traitement de policier lui avait suffi tant qu'il s'était ajouté au salaire de Tracey. Mais, sans ce salaire complémentaire et avec la pension alimentaire qu'il versait à son ex-épouse, il avait du mal à joindre les deux bouts.

 

 

Il secoua la tête et tâtonna pour saisir la tasse de café qui refroidissait dans le porte-gobelet. Une pension alimentaire proprement ruineuse !

Comme chaque fois qu'il songeait à son ex-épouse, il ne ressentit aucune autre émotion que du regret. Il n'éprouvait à son égard ni haine ni ressentiment. Tracey était une femme pleine de qualités. Elle n'avait simplement pas pu supporter que son mari soit obsédé par une erreur qui avait privé de justice quatre jeunes filles assassinées et leurs familles. Elle n'avait plus pu supporter ses insomnies, ni ses cauchemars quand il parvenait enfin à s'endormir. Elle n'avait plus pu accepter la douloureuse métamorphose de l'homme qu'elle avait épousé.

Alors, elle était partie. Il ne pouvait pas le lui reprocher. Elle ne lui manquait pas, d'ailleurs, et c'était sans doute la raison pour laquelle il ne ressentait aucune colère à son encontre. Il regrettait que les choses se soient passées ainsi, voilà tout.

Barrow n'avait jamais compris. En ami fidèle, il ne mâchait pas ses mots pour dire ce qu'il pensait de l'attitude de Tracey. Mais Neil n'avait jamais approuvé ses critiques. Et toutes leurs discussions se terminaient invariablement par cette conclusion de son ami : Au moins, vous n'avez pas eu d'enfants ensemble...

Et lui-même répondait invariablement : Tu as raison. Il pensait sincèrement que c'était mieux ainsi. Il aurait fait un père lamentable avec ses horaires démentiels et son « obsession pour Parker », comme disait Tracey. Ce qui ne signifiait pas qu'il ne regrettait pas de n'en avoir jamais eu.

Parfois, il s'imaginait sur un terrain de sport, à regarder son fils jouer au base-bail ou au foot. Il repensa au lundi précédent, au regard plein de fierté de ce Thatcher, lorsque son fils avait marqué un but. Thatcher était un père exemplaire, sans aucun doute. Il allait voir son fils jouer au foot. Il l'encourageait sur le bord du terrain.

Mais cette attention pour ses enfants le distrayait de sa tâche. La nuit précédente, tapi dans la forêt, il l'avait vu quitter la zone de recherche pour aller chercher son fils. Il l’avait vu en confier la garde à cette femme aux longs cheveux bruns. Un autre fils. Une autre source de distraction... Il se souvint aussi de ce qu'il avait lu dans la presse locale au sujet de l'enlèvement de son troisième fils. Il se demanda si Thatcher craignait que cela n'arrive de nouveau. Neil savait qu'il ne pourrait pas vivre ainsi, dans une inquiétude permanente au sujet de ses enfants. Son travail en pâtirait forcément. Tant mieux, donc, si Tracey et lui n'avaient pas eu d'enfants. Thatcher serait sans doute un flic plus efficace s'il n'en avait pas eu non plus.

Il vit l'une des fenêtres de la maison Parker s'illuminer. Ce devait être la chambre de madame. Elle faisait sans doute chambre à part, comme à Seattle. Il se demanda si Parker faisait lui aussi comme à Seattle. Là-bas, il entretenait une maîtresse et la logeait dans un appartement luxueux qu'il louait discrètement à deux pas de l'immeuble abritant son bureau. Une garçonnière bien pratique pour ce salopard.

Une autre lumière s'alluma à l'étage puis une autre : la maisonnée s'éveillait.

Neil s'étira sur son petit siège. Il attendrait que William sorte de chez lui et il se remettrait à le filer. Tôt ou tard, ce salaud choisirait une nouvelle victime. Il lui faudrait bien quitter la maison pour cela. Et à ce moment-là, il serait là, prêt à agir.

C'est alors qu'il appellerait Thatcher pour lui indiquer comment mettre la main sur le tueur qu'il traquait. L'arrestation serait saluée en fanfare par les médias. Thatcher serait peut-être même promu.

Il sourit à cette idée sans en ressentir la moindre gaieté.

Qui sait ? C'est peut-être comme ça qu'il a arrêté son dernier criminel — grâce à un tuyau tombé du ciel !

Cette arrestation lui vaudrait de l'avancement : un poste dans les bureaux qui lui permettrait de rentrer chez lui tous les jours à 5 heures de l'après-midi pour voir ses enfants... et la femme aux longs cheveux bruns.

Ainsi, il laisserait le soin aux vrais enquêteurs, ceux qui n'ont pas de famille ou ne la font pas passer avant leur mission, de faire leur boulot sur le terrain.

Neil sirota son café, à présent froid.

Bien de la chance, ce Thatcher tout de même, d'avoir une femme pareille...

Grâce à ses jumelles, il avait pu voir son visage. Un visage d'une beauté classique, frappante, inoubliable. Pendant un instant, il avait été fasciné par ses traits réguliers et ses yeux améthyste. Et quand il avait fermé les yeux dans le lit de sa chambre de motel, il avait rêvé de ce visage.

Ce rêve l'avait soulagé et réconforté, car c'était la première fois depuis très longtemps qu'il rêvait à quelqu'un d'autre qu'aux jeunes filles auxquelles William Parker avait ôté la vie. Au lieu d'être hanté par ces corps mutilés, son sommeil avait été bercé par les beaux yeux de cette femme.

Et ce matin encore, tandis qu'il était assis dans sa voiture, pleinement réveillé et guettant la sortie de William Parker, il revoyait encore son visage.

La porte d'entrée s'ouvrit et Neil se redressa brusquement. Mme Parker apparut sur le seuil, vêtue d'une robe de chambre usée. Elle se baissa pour ramasser les journaux sur le perron. Si cette journée ressemblait aux précédentes, Parker n'allait pas tarder à sortir pour faire son jogging matinal.

Neil reposa sa tasse de café dans le porte-gobelet. Il aurait bien eu besoin de courir un peu, lui aussi. Rester assis dans ce pot de yaourt lui donnait des crampes au derrière. Il...

Soudain, on pointa une lumière aveuglante sur lui et on frappa sur la vitre de sa voiture. Il sursauta et fixa le faisceau lumineux en essayant de comprendre ce qui se passait.

— Monsieur, s'il vous plaît, sortez de la voiture, les mains en l'air...

— Merde, grommela-t-il.

 

 

 

Jeudi 6 octobre, 7 h 45

 

Jenna tourna d'une main tremblante la poignée de la porte de sa classe.

— J'ai peur de regarder, dit-elle.

— Je m'en charge, indiqua Lucas qui poussa la porte et jeta un coup d'œil à l'intérieur.

Pas de pinata macabre, cette fois. Pas de chaises renversées, de matériel vandalisé. Pas de nouveaux graffitis.

Jenna parcourut des yeux la salle par-dessus l'épaule de Lucas et avança de quelques pas prudents.

— Fais attention à ton bureau, l'avertit Casey qui la suivait. Ils ont peut-être piégé le tiroir ou quelque chose dans ce genre.

Mais un examen complet des lieux permit d'établir avec certitude qu'aucun nouvel acte de vandalisme n'avait été commis.

Soupirant de soulagement, Jenna fit signe aux élèves qui s'étaient rassemblés dans le couloir.

— Entrez...

Ils pénétrèrent tous dans la classe en jetant à droite et à gauche des regards circonspects, comme s'ils redoutaient de découvrir quelque mauvaise surprise.

Le bruit de chaises qu'ils faisaient en s'installant fut interrompu par Kelly Templeton.

— Docteur Marshall, on peut parler des points de bonus du test de mardi ?

Jenna leva les yeux au ciel en découvrant dans le regard de la jeune fille une sorte d'amusement contenu. Cette fois, elle ne lui faisait pas de chantage, au moins.

— Oui, Kelly, absolument. Apporte-moi ta copie, que je voie ça.

Elle jaugea les visages de ses élèves tandis que Casey et Lucas s'éclipsaient. La plupart d'entre eux paraissaient encore sur leurs gardes, certains avaient même l'air inquiets, sauf Kelly qui la fixait avec un petit sourire narquois.

Josh Lutz avait pour sa part l'air perturbé au plus haut point. Perturbé et tiraillé. Comme s'il était à la fois prêt à vider son sac et à détaler à la première occasion.

Jenna se promit de lui dire un mot après le cours.

Lequel se déroula sans incident, mais lorsque la sonnerie retentit dans le couloir, elle vit l'adolescent filer discrètement, avant qu'elle ait pu le retenir pour lui parler. Elle se demanda ce qu'il savait au juste. Et elle se posa une fois de plus de nombreuses questions sur ce qu'il se passait exactement dans la famille Lutz.

 

 

 

Jeudi 6 octobre, 9 h 45

 

— J'espère que c'est important, Liz !

La substitut du procureur l'avait appelé sur son portable, et Steven était venu aussitôt, laissant une nouvelle fois Harry diriger les opérations dans la zone de recherche.

— Vous en avez mis du temps ! Vous avez respecté les limitations de vitesse, ou quoi ? lui demanda Liz sur un ton sarcastique.

Il lui sourit, bien que son appel l'ait tout d'abord mis de mauvaise humeur.

— Je ne peux pas me permettre de prendre un PV avec mon maigre salaire.

— Comme si j'en avais les moyens, moi ! rétorqua-t-elle.

Puis elle reprit son sérieux.

— Salle d'interrogatoire numéro 2. Le lieutenant Chambers m'a appelée dès qu'ils ont arrêté ce type. Chambers estime que les documents qu'on a retrouvés sur lui devraient nous intéresser.

— Le type a parlé ?

Liz secoua la tête.

— Non, il ne veut parler qu'à vous. Vous le connaissez ?

— Il traîne dans le coin. Je l'ai vu lundi dernier, à un match de foot où jouait mon fils. Et j'ai su qu'il rôdait encore autour de la zone de recherche, hier soir. Il a prétendu qu'il était journaliste et qu'il me cherchait. Nancy devait se renseigner ce matin sur son identité, auprès du bureau des immatriculations.

Ils s'arrêtèrent devant la porte de la salle d'interrogatoire. Le lieutenant Chambers les attendait en regardant d'un air perplexe au travers de la glace sans tain. A l'intérieur, c'était bien l'homme aux cheveux bruns qui avait abordé Steven au match de Matt.

Chambers les salua d'un bref hochement de tête et tendit un mince dossier à Liz.

— Un de mes hommes l'a arrêté ce matin. Une riveraine de Hook Street a appelé la police pour se plaindre qu'il rôdait dans son quartier depuis plusieurs jours.

Liz regarda l'inconnu d'un air pensif.

— L'agent a fouillé sa voiture et il est tombé sur une collection de photos, dit-elle en tendant le dossier à Steven. Les photos de quatre corps mutilés.

Steven examina rapidement les clichés.

— Avant et après, murmura-t-il. Elles étaient si jolies...

Il retourna les photos pour lire les noms des victimes imprimées au verso.

— Vous avez vérifié ces noms ?

Chambers hocha la tête.

— Elles ont toutes été assassinées à Seattle il y a trois ans. Elles étaient toutes les quatre âgées de seize ans et pom-pom girls...

Steven soupira.

— Merde ! Et les cheveux de ce type sont du même brun que celui qu'on a retrouvé dans la clairière vendredi dernier.

— Les miens aussi, fit observer Liz. Ça ne prouve rien.

Ceux de Mike aussi, songea Steven. Mais ça ne prouvait rien non plus. Il était impossible que Mike soit impliqué dans ces crimes atroces. Mike avait raccompagné Brad chez lui, et cela s'était bien passé. Il le savait, car il avait appelé Helen pour s'en assurer. Mike avait également raccompagné Jenna chez elle, veillant à ce qu'il ne lui arrive pas de nouvelle mésaventure.

Il sentit le remords le tarauder. Il avait appelé Jenna chez elle après minuit, juste pour l'entendre répondre d'une voix ensommeillée qu'elle était bien rentrée.

Tu es vraiment un drôle d'ami, Thatcher...

— Lieutenant, vous vous êtes renseigné sur l'affaire des meurtres de Seattle ? Avait-on arrêté un suspect à l'époque ?

— Je vais appeler le commissaire du district qui s'est occupé de cette affaire, mais il est encore trop tôt à Seattle pour le joindre. En attendant, on a consulté sur internet les archives des journaux locaux. On y a appris qu'un certain William Parker avait été arrêté, mais on n'a retrouvé aucune trace de sa condamnation. Nous n'avons pas interrogé ce type, nous nous sommes contentés de l'amener ici. Nous avons un contrat de location de voiture au nom de Neil Davies, domicilié à Seattle.

— Quand a-t-il signé ce contrat ? demanda Liz.

— Lundi matin.

— Lundi dernier ? demanda Steven.

— Oui. Il n'était donc pas là lorsque les deux victimes ont été enlevées. Ou alors, il n'avait pas encore loué cette voiture...

Steven jeta un coup d'œil à l'homme qui attendait, assis dans la salle. Son visage était dur et fermé, comme s'il bouillonnait de colère. Non, c'était autre chose que de la colère rentrée... Il donnait l'impression d'être sur le point de piquer une crise de rage.

— Il avait des papiers d'identité sur lui ?

— Non. Il nous a dit que son portefeuille se trouvait dans un sac de sport sur la banquette arrière de la Dodge.

— Et vous l'avez trouvé, ce portefeuille ? demanda Liz.

— On n'a pas encore regardé. On a préféré vous attendre pour être bien sûrs qu'on n'enfreignait aucune nouvelle loi à la con sur la violation de domicile, grommela Chambers.

Liz se renfrogna, mais Steven sourit.

— Vous avez trouvé autre chose dans cette voiture ? demanda-t-il.

— Non, seulement son sac de sport. On a préféré attendre l'arrivée de Liz avant de fouiller le coffre. Comme je vous l’ai dit, mes inspecteurs craignent de commettre une erreur de procédure.

— Eh bien, on y jettera un coup d'œil après avoir bavardé avec M. Davies, dit Steven.

Il consulta Liz du regard et demanda avec une feinte ingénuité :

— On en a le droit, hein ?

L'homme leva les yeux lorsque Steven et Liz entrèrent dans la pièce, mais il resta assis, les bras croisés.

Steven le dévisagea d'un air intrigué.

— Vous me cherchiez ? demanda-t-il.

— Je cherche l'inspecteur qui est chargé de l'enquête sur le meurtre de deux jeunes filles, en effet, dit-il.

Steven ne se laissa pas impressionner par son regard sombre et hautain.

— Alors, oui, c'est bien moi que vous cherchez. Je suis l'agent spécial Steven Thatcher.

— Ha ! fit l'homme d'une voix railleuse. L'as du SBI de Caroline du Nord en personne... Je suis heureux de constater que vous avez pu trouver un moment, entre un match de foot et une chasse au fugueur, pour vous intéresser à votre enquête !

— En effet, j'essaie de travailler une ou deux heures par jour, entre deux parties de golf...

Il désigna Liz et poursuivit :

— Voici la substitut Johnson. Après cet échange de mondanités et puisque vous savez désormais qui nous sommes, vous pourriez peut-être nous dire qui vous êtes...

— Vous avez ma carte d'identité.

— Nous avons votre contrat de location de voiture et votre album de photos.

Steven jeta le dossier sur la table et les photos s'y répandirent, celles « d'après » bien en vue. Davies ne cilla pas. Il demeura parfaitement impassible.

— Sur votre contrat de location, il est indiqué que vous vous nommez Neil Davies et que vous êtes domicilié à Seattle, dit Steven.

Puis il désigna les photos éparpillées sur la table et ajouta :

— Comme l'étaient ces quatre jeunes filles. Depuis combien de temps êtes-vous à Raleigh, monsieur Davies ?

— On prononce Davis. C'est un nom gallois. Le « e » est muet. Je suis arrivé lundi matin.

— C'est ce qu'il y a de marqué sur votre contrat...

— C'est aussi marqué sur mon billet d'avion.

Steven s'installa sur une chaise en face de lui et demanda :

— Quel est votre métier, monsieur Davies ?

Davies ricana avant de répondre :

— Vous êtes donc aussi bête que vous en avez l'air ?

Steven accusa le coup. C'était la deuxième attaque verbale depuis qu'il était entré dans la salle d'interrogatoire. Pour une raison qui lui échappait, ce type avait l'air particulièrement remonté contre lui.

— Je ne sais pas ce que vous avez contre moi, rétorqua-t-il, mais je peux vous dire que je ne vous aime pas, cher monsieur.

Davies afficha un sourire mauvais.

— C'est réciproque. Vous n'avez donc pas vérifié mon identité ?

Steven haussa les épaules.

— Je ne sais pas. Je viens d'arriver. Il a fallu que j'interrompe une partie de tennis, fit-il d'un ton sarcastique.

Il se leva, alla jusqu'à la glace sans tain et tapota contre.

— On va examiner le contenu de votre sac, dit-il.

Chambers l'apporta aussitôt et le jeta lourdement sur la table.

— Le voilà !

Steven enfila une paire de gants en plastique avant d'ouvrir la fermeture à glissière.

— Une paire de chaussettes... Une paire de chaussures de sport, énuméra-t-il avant de hausser les sourcils. Tiens, tiens ! Un pistolet !

— J'ai un permis de port d'arme, dit sèchement Davies. Si vos ordinateurs sont assez modernes, vous n'aurez aucun mal à le vérifier.

— Nos ordinateurs sont très modernes, répondit Steven sans s'énerver.

Dieu que ce type était odieux !

— Et un portefeuille, ajouta-t-il.

Il ouvrit le portefeuille sous l'œil de Liz.

— Un permis de conduire au nom de Neil Davies. La photo est ressemblante...

— Il y a un autre portefeuille, indiqua Chambers.

— D'accord, dit Steven, voyons voir...

Il plongea la main dans le sac et en sortit en effet un autre portefeuille qu'il ouvrit lentement, exposant à leurs yeux ébahis un insigne brillant. Celui de Davies. Aux armes de la police de Seattle...

— Super ! marmonna Liz.

— Ça alors ! fit Chambers.

Steven sentit son irritation s'accroître et se retint à grand mal de gifler Davies, qui arborait un sourire narquois.

— Vous comptiez nous le dire quand ? lui demanda-t-il en jetant l'insigne sur la table.

— Quand vous m'auriez posé la question, répondit Davies d'un ton doucereux. J'ai essayé de vous parler lundi après-midi, mais vous étiez trop occupé à jouer les supporters de l'équipe locale.

Steven se rassit et étira ses jambes, luttant contre la fureur qui montait en lui.

— Eh bien, dit-il, je constate que vous êtes très loin de votre juridiction, inspecteur... Vous êtes bien inspecteur, n'est-ce pas ?

Davies hocha la tête.

— Je constate également que vous vous promenez avec des photos de filles mortes dans un dossier, mais qu'il n'y a pas de photos d'enfants souriants dans votre portefeuille.

— Je n'ai pas d'enfants, dit Davies d'un ton toujours aussi doucereux mais dans lequel Steven perçut une pointe de ressentiment.

— Comme c'est dommage... Moi, j'en ai trois. Et je les aime. A cause des matchs de foot et malgré leurs fugues. Mais parlons plutôt de ces photos et de la raison de votre visite dans notre région. Je déduis de ces documents et de votre présence ici que vous pensez qu'il pourrait y avoir un lien entre vos pom-pom girls assassinées et les nôtres...

Davies inclina légèrement la tête en guise d'acquiescement.

— Parlez-nous de William Parker...

Davies sourit.

— Je vois que vous avez un ordinateur, finalement...

— Nous en avons même plusieurs et, autre fait très étonnant, nous savons nous en servir.

Davies décroisa les bras pour la première fois depuis que Steven et Liz étaient entrés dans la pièce. Il se pencha et entreprit de disposer les photos « après » l'une à côté de l'autre.

— William Parker les a toutes tuées, dit-il.

— Alors pourquoi n'est-il pas en prison ? demanda Liz.

Steven vit le visage de Davies se refermer subitement, les traits empreints d'une véritable souffrance.

— Parce que la police de Seattle a merdé, dit-il en regardant les photos fixement comme pour en imprégner sa mémoire.

Steven se doutait qu'elles y étaient cependant déjà bien inscrites.

— Les preuves n'ont pas été présentées dans les règles, et l'avocat de Parker a demandé l'annulation de la procédure pour vice de forme.

Il haussa les épaules d'un air accablé avant d'ajouter :

— Le juge lui a donné raison.

— Et c'est vous qui étiez en charge de l'enquête..., dit Steven posément.

Davies lui jeta un coup d'œil furtif et se remit à fixer les photos.

— Oui.

Steven prit l'un des clichés du bout des doigts.

— J'ai déjà une photo comme celle-ci. Et avant midi, malheureusement, j'en aurai probablement une deuxième. La psychologue de mon équipe estime qu'on en aura une troisième avant la fin de la semaine.

— Il est en pleine escalade, murmura Neil.

— Alors, que faut-il que je fasse pour éviter que mon panneau d'affichage soit bientôt couvert de photos de ce genre ? Vous n'auriez pas traversé tout le pays si vous n'aviez pas pensé que William Parker se trouve dans la région. Où est-il ?

Davies prit la photo des mains de Steven, du bout des doigts lui aussi.

— Juste sous votre nez, répondit-il.

— Il n'y a personne du nom de William Parker par ici.

Il se tourna vers Chambers et ajouta à son intention :

— Je suppose que vous avez vérifié.

Chambers hocha la tête.

— Oui, bien sûr, dit-il.

Davies lâcha un petit gloussement sans joie.

— Vous le connaissez, mais pas sous le nom de William Rudolf Parker...

Il sortit une autre photo de la poche de sa chemise, une photo d'identité.

— Le voilà, dit-il.

Il jeta sur la table le cliché, qui atterrit sur les photos des cadavres mutilés.

Le cœur de Steven se serra en découvrant le visage du suspect.

— Nom de Dieu, lâcha Chambers. Mais c'est un gamin !

— Qui est-ce ? demanda Liz en fronçant les sourcils.

— Vous le connaissez, je suppose ? demanda Davies à Steven.

Le cœur de Steven se mit à battre à toute allure sous le coup de la stupeur et de l'émotion. Il prit la photo d'une main tremblante. Le visage était plus jeune mais il reconnut sans peine les yeux bruns de l'adolescent, son sourire satisfait.

— Oui, je le connais, dit-il. Et vous avez raison, je ne le connais pas sous le nom de William Parker.

Il se tourna vers Liz.

— Il s'agit de Rudy Lutz. Il est quarter back dans l'équipe du lycée de mon fils.

Et c'est également lui qui persécute Jenna, ajouta-t-il mentalement, sentant un frisson glacé lui parcourir l'échiné.

Liz se laissa tomber sur une chaise.

— Merde ! fit-elle.

 

 

 

Jeudi 6 octobre, 11 heures

 

Il leur fallut une heure pour reconstituer l'histoire de Rudy Lutz, alias William Rudolf Parker. Les preuves qu'avait réunies la police de Seattle, trois ans auparavant, étaient solides. Davies jurait qu'aucune véritable erreur n'avait été commise au cours de la procédure. Mais Parker avait quand même bénéficié d'un non-lieu.

— Sa première victime a donc été sa petite amie..., dit Liz d'un air pensif.

— Tu parles d'un premier amour ! lança Chambers d'un ton atterré, en regardant la photo.

La jeune fille avait été violée et poignardée à de nombreuses reprises puis étranglée.

— Quel tordu... Et il n'avait que quinze ans à l'époque ?

— Il aimait les filles plus âgées, dit Davies. Et apparemment, elles étaient attirées par lui. Les quatre l'ont retrouvé loin de chez elles. Sorties de leur plein gré en pleine nuit pour le rejoindre. On n'a donc jamais relevé à leurs domiciles de traces d'effraction.

Liz écarta le dossier et demanda :

— Comment l'avez-vous arrêté, Neil ?

Les joues mal rasées de Davies s'assombrirent.

— Après que nous avons retrouvé sa dernière victime, un adolescent nous a appelés pour nous dire qu'il avait entendu Parker, la semaine précédente, se vanter dans le vestiaire qu'il l'avait « baisée », selon ses mots.

— Gina Capetti, dit Liz à voix basse.

Steven lut de nouveau une réelle souffrance dans les yeux de Davies.

— Nous avions des preuves physiologiques, prélevées sur Laura Resnick, sa première victime. Un échantillon de sperme. Nous l'avons arrêté. Il avait un alibi mais pas en béton. Nous avons retrouvé des gens qui l'avaient vu avec Gina Capetti et qui étaient disposés à témoigner. Le tribunal a ordonné à Parker de fournir un échantillon sanguin. L'ADN prélevé dans cet échantillon était identique à celui du sperme retrouvé dans l'organisme de Laura Resnick. Nous l'avons arrêté et écroué, mais comme il n'avait que quinze ans il a été jugé par un tribunal de grande instance spécialisé dans les affaires familiales.

Steven fronça les sourcils.

— Quatre meurtres prémédités... et il est jugé par un tribunal de grande instance ?

— Il est tombé sur un juge très... clément.

— Donc, vous allez au tribunal de grande instance... Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'il s'en tire à si bon compte ? demanda Chambers.

— Notre dossier était bien ficelé mais l'avocat de la défense a demandé que notre preuve, l'échantillon de sperme, soit frappée de nullité...

— Pour quel motif ?

— Il prétendait que cet échantillon n'avait pas été conservé selon les règles...

Personne ne lui demanda comment ni par qui cette erreur avait été commise. A ce stade, cela n'avait plus guère d'importance.

— Et sans cet échantillon vous ne pouviez plus le faire condamner faute de preuve, poursuivit Liz.

— Comme nous ne pouvions plus lui faire porter la culpabilité du meurtre de Laura Resnick, la première victime, tout notre dossier d'accusation s'est effondré comme un château de cartes. Et Parker est sorti de l'audience libre comme l'air. Avec un casier judiciaire vierge... Mais les gens de son quartier n'en étaient pas moins persuadés que c'était bien lui l'assassin. Ses parents avaient essayé en vain d'empêcher la publication de son nom dans la presse, mais la rumeur s'en est chargée. Une foule s'est assemblée devant leur maison. Des bouteilles ont été lancées contre la façade. Les Parker ont été littéralement assiégés. Tout cela n'était pas bon pour les affaires du père, qui dirigeait une société d'import-export. Plus personne ne voulait traiter avec lui. Il a dû se déclarer en faillite et vendre sa maison. Ils ont déménagé, et plus personne n'a entendu parler d'eux.

— C'est quand même difficile pour une famille entière de disparaître, objecta Liz.

— Le père de Mme Parker est multimillionnaire, dit Davies.

Les autres hochèrent la tête : le pouvoir de l'argent était sans limites et ils le savaient.

— Lutz est le nom de jeune fille de la grand-mère maternelle de Mme Parker, leur apprit encore Davies. J'ai cru un moment qu'ils avaient quitté le pays. Qu'ils avaient fui en Suisse ou en France.

— Mais leur fils n'aurait jamais pu entamer une carrière dans le football américain en Europe, fit observer Steven.

Davies acquiesça.

— Je me souviens que c'était cet aspect des choses surtout qui faisait enrager le père. Il se fichait des quatre filles assassinées. Les preuves accablantes qui désignaient son fils comme le coupable n'avaient pas l'air de le déranger. Ce qui l'ennuyait le plus, dans cette affaire, c'est qu'elle risquait de ruiner ses espoirs de voir son fils sélectionné par un recruteur pour une grande équipe.

— C'est ainsi que ses parents quittent Seattle avec lui et s'installent à Raleigh, reprit Steven. Ils rajeunissent d'une année « Rudy » et lui font recommencer sa première année de lycée... Avec un nouveau cheptel de victimes dans lequel puiser.

— Un gosse de cet âge ! répéta à plusieurs reprises Chambers, consterné.

— Vous vous rendez compte qu'il nous manque une preuve pour faire le lien entre Rudy et Lorraine ou Samantha ? intervint Liz en se frottant le front.

— Pour l'instant, dit Steven d'une voix sombre. Mais au moins, maintenant, on a un suspect potentiel. On va le serrer de près.

A cet instant, un agent de police entra dans la pièce avec un message.

— Agent Thatcher, votre secrétaire a essayé de vous joindre toute la matinée. Elle dit que c'est urgent.

Steven regarda son téléphone portable. Il était allumé, mais les barres de signal de réception étaient invisibles.

— On ne peut pas avoir de réseau dans cet immeuble, dit Chambers. C'est chiant !

Steven désigna un téléphone fixe dans un coin de la pièce.

— Mais celui-ci doit marcher...

— Si je n'ai pas oublié de payer la facture, ironisa Chambers.

Steven appela Nancy, puis se tourna vers les autres d'un air accablé.

— Ils ont retrouvé Samantha.

— En meilleur état que Lorraine ? demanda Liz.

Personne n'imaginait à ce stade qu'elle puisse être encore vivante.

— Relativement, répondit Steven en se frottant la nuque. Mais il y a une bien plus mauvaise nouvelle...

Aucun des trois autres ne dit un mot, mais Steven vit à leur mine qu'ils savaient déjà ce qu'il allait leur apprendre.

— Cette mauvaise nouvelle, reprit-il, c'est que nous avons une troisième disparition.

— Oh, mon Dieu ! murmura Liz.

— Qui est-ce ? demanda Chambers.

— Alev Rahrooh. seize ans, pom-pom girl. Elle fréquentait un lycée encore différent de celui des deux autres victimes. Pas de traces d'effraction. Davies, il faudra que je vérifie votre récit auprès de votre lieutenant. Simple formalité, bien sûr.

Davies haussa les sourcils.

— Bien sûr, fit-il.

— Ensuite il faudra décider par où commencer... Et ne pas commettre d'impair.

Elles étaient jeunes et belles
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